À la papeterie
L’inventeur de la fête des Mères
n’a jamais pensé à la mienne, toutes les rares années où
le deuxième dimanche du mois tombe
sur cet anniversaire. Mortalité infantile.
Quelle expression. Comme le latin sait calmer
un avorton exigeant, avec ses abstractions
aux gros tétons linguistiques que les locuteurs
de l’anglais peuvent sucer jusqu’à en devenir stupides,
perdus dans une indifférence béate inentamés par les images
de ma mère, à vingt-deux ans, blessée,
trop d’alcool, errant par
les champs de maïs de l’Ohio, une Ophélie du Midwest
toute naine au milieu des tiges, répondant
au chant des carouges, pendant que la famille poursuivait sa battue.
Quelle carte choisir sur ces présentoirs,
dégoulinant d’astucieuses niaiseries sucrées,
auxquelles se réduit cette commémoration ?
Aucune formule n’exprime ce sentiment
une source froide coule dans le lac tempéré
de ma vie chaque fois que mon esprit
flotte sur ce jour, ou n’évoque l’espace
béant qui me sépare de la cadette
qui a vécu ; aucun message ne rend
les liens familiaux aussi attirants
qu’une retraite monastique, encore une tentation
où nous conduit la peur de la perte, ou ne dit
qu’elle m’a montré comment renoncer
à un père, un enfant, un œil, et toujours défier.