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Hommage à Henri Meschonnic

25 avril 2009

par Anne Mounic, Guy Braun

"Je vis pour démentir les oracles"

Hommage à Henri Meschonnic

Henri Meschonnic et Régine Blaig sont amis de longue date d’Evy et Claude Vigée. On ne saurait trop reconnaître la valeur de l’œuvre critique d’Henri Meschonnic, proche d’ailleurs de la poétique de Claude Vigée. Il se dégage de ces grandes études passionnées sur le rythme un souffle allant au-delà de l’univers fini dans lequel se meut souvent la poésie d’aujourd’hui, un souffle préservant la possibilité pour le poème de se renouveler. Je dois beaucoup, en mon approche critique, à Henri Meschonnic. Je voudrais le souligner ici, comme je le lui ai dit quand nous nous sommes rencontrés. Les lecteurs de Temporel trouveront dans ce numéro une note de lecture sur les deux recueils de poèmes d’Henri. Je l’avais envoyée à Régine et il a pu la lire. Henri est donc présent parmi nous. Nous le retrouverons dans le premier numéro de la revue Peut-être, revue de l’Association des Amis de l’Œuvre de Claude Vigée. Je voudrais parler aussi des traductions bibliques, qui offrent au lecteur non hébraïsant, avec les notes qui les accompagnent, un accès privilégié à la réalité du texte. On entend à travers ce travail la voix originale.
Au cours de notre entretien d’avril 2008, quand nous avons parlé de Spinoza, je me souviens du très grand bonheur qui anima sa voix et ses yeux.
« H.M. : Son écriture est un poème de la pensée. Il essaie par exemple d’appréhender les relations de l’esprit, qui pense Dieu, à Dieu, et écrit ceci : se in Deo esse. Là si on analyse ce que disent les mots, ce que font les mots, on aboutit à une chose extraordinaire. Il dit en effet que l’esprit est en Dieu, mais l’arrangement des mots implique que Dieu est dans le sujet lui-même (entre se et esse).

A.M. : Est-ce que nous n’avons pas là toute la spiritualité ?

H.M. : Oui, dans le sens du souffle, dans le sens hébreu du mot, qui laisse au vestiaire toute l’orthodoxie religieuse. »

Le titre de notre conversation ne pouvait donc être, dans ce contexte, que se in Deo esse.

Je terminerai cet hommage en évoquant le poète, qui me disait d’ailleurs, toujours en avril 2008 : « Ma propre aventure dans le langage n’est pas marquée par mon travail de traduction biblique. C’est le contraire : ma manière d’écrire mes poèmes a une incidence sur ma façon de traduire. Je traduis comme le poète que je suis. »
Je rappellerai ici quelques vers extraits de Parole rencontre, que nous avions lu d’ailleurs, pensant à Henri, lors de l’assemblée générale de l’Association, le samedi 14 mars. Le poète qui affirme : « je parle / parce que j’existe » et met en valeur, sans effusion, toute la vigueur du langage, écrit :

« des yeux pauvres
remettent l’homme au monde
des yeux qui n’ont que des mains
où dormir
pleurent le malheur des autres » (p. 23)

Et le recueil s’achève sur ce poème :

« je vis pour démentir les oracles
on sait de quoi on parle
quand on peut se taire ensemble » (p. 67)

Nous assurons Régine de toute notre amitié.

Anne Mounic et Guy Braun


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