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Henri Meschonnic

23 avril 2016

par Anne Mounic

Singulier, rythme et dynamique de l’inaccompli
Henri Meschonnic ou l’énergie irradiante du poète [1]

à Régine Blaig
et en mémoire d’Henri Meschonnic
Henri Meschonnic. Photo Guy Braun

Penser à partir du sujet, et non plus selon la fragmentation des divers objets qu’il produit, implique de saisir avant toute chose l’unité de l’élan créateur qui imprime sa marque singulière à tout ce qu’au fil du temps il énonce. Dans son Ethique de Nicomaque, Aristote associe l’art au possible, « dont le principe réside dans la personne qui exécute et non dans l’œuvre exécutée » [2]. Si la logique obéit à la nécessité et au principe de contradiction, l’art échappe à ces limites. Le philosophe grec nomme « hasard » ce qui ne peut s’expliquer selon la linéarité déterministe de la raison. Il faut en effet quitter le mode de la connaissance, ou rapport sujet/objet, si l’on veut rendre compte de l’infiniment possible qui s’attache à la créativité singulière. Emile Benveniste envisage cette dimension du « peut-être », ou dialectique existentielle du devenir, lorsqu’il installe le Je - ici - maintenant au centre des rapports qu’il établit dans le discours. Il n’existe pas de rupture entre le singulier qui parle et la communauté qui se tisse dans la parole.

La notion de rythme, pour Henri Meschonnic, « permet de penser une relation continue entre le langage et ceux qui le parlent » [3], c’est-à-dire qu’elle se place du point de vue du discours et non de la langue, du point de vue du sens et non du signe. Le poète, d’ailleurs, met en valeur, dans ses vers, le jeu des pronoms, avec une telle virtuosité qu’on peut parler, dans son œuvre, d’une étreinte avec l’altérité, « visage vers visage » [4] : « et je marche visage / de vie en vie » [5]. Emile Benveniste, dont Henri Meschonnic se réclame, énonce : « Le sémiotique (le signe) doit être RECONNU ; le sémantique (le discours) doit être COMPRIS. La différence entre reconnaître et comprendre renvoie à deux facultés distinctes de l’esprit : celle de percevoir l’identité entre l’antérieur et l’actuel, d’une part, et celle de percevoir la signification d’une énonciation nouvelle, de l’autre. Dans les formes pathologiques du langage, les deux facultés sont fréquemment dissociées. » [6] Et le linguiste précise : « ... ce n’est pas une addition de signes qui produit le sens, c’est au contraire le sens (l’ ‘intenté’), conçu globalement, qui se réalise et se divise en ‘signes’ particuliers, qui sont les MOTS. » [7] Le langage n’est pas un instrument, mais il « est dans la nature de l’homme, qui ne l’a pas fabriqué » [8] ; à travers lui, « l’homme se constitue comme sujet » [9]. Suivant Emile Benveniste, et nommant également Humboldt, dont le projet est de « construire une théorie du langage en tant que foyer des opérations incessamment réitérées par quoi l’espèce humaine s’engendre comme humanité » [10], ainsi que Bernard Groethuysen, qui aborde la réalité humaine par le biais de « ses individus typiques » [11], Henri Meschonnic prône une continuité entre langage et culture, langage et société, langage et histoire, mais également entre individu et société. « Chaque fois qu’on perd le singulier on perd l’universel. » [12] Se situant dans la perspective du sujet, et donc de l’éthique, Henri Meschonnic récuse le point de vue esthétique, qui participe du dualisme de l’objet et établit une discontinuité entre littérature, poésie et langage ordinaire. [13] De même que traduire implique d’abandonner le préjugé esthétique qui engendre les notions d’intraduisible et de transparence, [14] faire surgir de soi un poème n’a d’autre objet que cet élan de dire à un instant donné de la genèse du sujet. Chaque poème en ce sens marque un commencement. « Un rythme ne se surimpose pas au sens, il n’orne pas, ne découpe pas : il fait dans le texte l’homogénéité même du langage et de la pensée. » [15] Il n’y a pas fond et forme, dans la fragmentation de l’objet, mais continuité dans la dynamique du sujet qui énonce. Henri Meschonnic cite souvent l’expression de Mallarmé dans « Crise de vers » : « le poème, énonciateur » [16]. La traduction, qui vient en continuité, « est l’écriture d’une lecture-écriture, aventure historique d’un sujet » [17].

Je voudrais tenter de cerner cette continuité du rythme dans la pensée d’Henri Meschonnic en insistant sur ce que cette perspective a de libératrice pour le poète. Je m’intéresserai ensuite à ses traductions bibliques, – puisqu’il les présente comme travail poétique –, et, notamment, à sa traduction, inachevée, du Deutéronome, sous le titre : Les paroles, traduction qui m’a été communiquée par Régine Blaig, que je remercie. [18] « Penser le rythme comme une organisation du mouvement de la parole ‒ et Gerard Manley Hopkins le savait, qui parle dans une lettre, à propos de la Bible, du « record of speech in writing » ‒ suppose une gestuelle du sens, donc une rythmique ou sémantique de position. » [19] Je me propose, pour finir, de mettre en relief l’apport de sa réflexion, au moins de mon point de vue.

Rythme et énergie

La « critique du rythme » participe d’une pensée de l’histoire indissociable d’une pensée du langage. Dans l’entretien que j’ai mené avec lui en avril 2008 [20], Henri Meschonnic me confiait son admiration pour Bernard Groethuysen, auteur d’une Anthropologie philosophique (1928-31), dans laquelle il aborde la question de l’individu dans l’histoire. Dans son avant-propos à l’édition de 1980, Henri Meschonnic insiste sur le fait que « cette historicité n’est faite que de recommencements dans la fondation des valeurs » [21]. Groethuysen définit sa discipline comme « l’essai toujours renouvelé que fait l’homme pour arriver à se comprendre » [22]. Dans les pages consacrées à Groethuysen dans le livre d’une vie, Langage, histoire : une même théorie, publié à titre posthume par Régine Blaig, Meschonnic rattache ce penseur à « une histoire et une théorie inachevables parce qu’elles sont celles de l’historicisation de l’individu » [23], histoire qui fait pièce au « vieux rêve d’unification universelle mathématisante » d’un Leibniz. Il s’agit de « tenir en éveil une pensée du vivre et de l’individu qui échappe au schéma hégélien » [24] et de trouver « un mode de philosopher » [25] qui « se met tout entier dans la vie » : « Le primat de la vie est un empirisme stratégique pour penser l’historicité. » Le schéma hégélien, métaphysique, implique un devenir historique composé d’une succession de ruptures, la réalisation de l’Esprit dans l’histoire s’opérant à partir de la « destruction et la dissolution de la forme précédente du réel » [26] en vue d’un progrès dont l’individu n’est que l’instrument, soumis à la nécessité. [27] Nous nous trouvons dans le domaine du tragique. L’esthétique de Hegel est en rapport avec sa conception de l’histoire, puisque le symbole achevé est pour lui celui qui se déduit de la mort de la réalité sensible. [28] Dans Jona et le signifiant errant, Henri Meschonnic met en garde contre cette vision tragique de l’histoire, à propos de l’ouvrage de Jérôme Lindon, Jonas (1955) : « Jona accapare la mort. La pensée est forte mais elle prête à un détournement. Peut-être plus proche du sacré que du divin. L’élection devient une théorie sacrificielle. Dès le ‘signe de Jonas’ (Matthieu, 12, 39 et Luc, 11, 29). Ce que Deleuze et Guattari ont développé en généralisant à Jésus : ‘Il a pris le mal sur lui, mais les Juifs qui le tuent prennent aussi le mal sur eux.’ Jona, ou l’élection, devient alors une histoire sacrificielle de l’antisémitisme, dont le danger est qu’elle entre dans une rationalité justificatrice, qui maintient l’ordre sacrificiel en recommençant indéfiniment Jona. » [29]

Contre Hegel, il nomme également Humboldt, dont il me disait en 2008 qu’il lui avait apporté « la distinction entre activité et produit. L’activité qui continue d’être active, c’est la modernité. En ce sens, Homère est moderne. » [30] Mon interlocuteur ne renierait pas cet écho à Péguy, qui écrit dans ses Pensées : « Homère est nouveau ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. » [31] Dans Jona et le signifiant errant, Henri Meschonnic écrivait, opposant la statique de l’objet au dynamisme du sujet :

Ce qui implique penser Humboldt. Et non plus penser Hegel ‒ penser comme Hegel. Penser Humboldt n’est pas répéter Humboldt. Ce serait confondre l’historicisme ‒ réduction du sens aux conditions de production du sens ‒ avec l’historicité, définie non plus seulement à la manière des historiens comme pure et simple situation historique, ce que j’appellerais la définition faible de l’historicité, mais comme activité (energeia) et pas seulement produit (ergon), et vous reconnaissez Humboldt, c’est-à-dire un moment d’une époque de la pensée qui a cette capacité spécifique de continuer d’agir indéfiniment au-delà des conditions de sa production. C’est la définition forte de l’historicité. Sa poétique.
Immédiatement, c’est la définition même de la modernité. Une fois qu’on a nettoyé cette notion de ses confusions avec la rupture, avec le nouveau, avec le récent, avec l’avant-garde ou le contemporain. [32]

Cette notion d’énergie singulière, qui nous rappelle Blake (« L’énergie est délice éternel. » [33]) ‒ et ce dernier se soucie aussi des « menus Détails » [34] ‒, fonde le continu du rythme, « actualisation du sujet, de sa temporalité » [35]. A l’aliénation que pouvoir et savoir imposent au sujet dans l’objet qui dès lors s’autonomise (la parole « parlante » [36] de Heidegger, par exemple), Henri Meschonnic oppose le surgissement du sujet dans la force du discours : « D’où une traduction de ce qui ressortit à une poétique suppose que ce n’est plus de la langue qu’on traduit, mais du discours. Et un système de discours. Les concepts changent. Ce n’est plus (seulement) ce que disent des mots qu’on traduit, c’est ce que fait un discours. Non plus du sens seulement, mais de la force. » [37] Qu’il s’agisse de traduction ou de commentaire littéraire, on œuvre toujours « visage vers visage », de sujet à sujet.

La pensée d’Henri Meschonnic en appelle à un recentrement du sujet en lui-même, à un retour, comme il le dit dans Critique du rythme : « Glissement du je, le rythme est un présent du passé, du présent, du futur. Il est et il n’est pas dans le présent. Il est toujours un retour. En quoi c’est le poème, et non le vers, qui est versus. » [38] Cette notion de retour fut mise en valeur par Rudolf Kassner, dédicataire de la Huitième élégie de Duino de Rilke, comme mouvement de la liberté, pourvu qu’il soit « infini » [39], et non fini, ou dogmatique, cherchant autre chose que lui-même. Cette mise en valeur de l’activité s’accompagne d’une insistance sur la continuité entre sujet et discours :

Non, aucun de ceux-là [sujets historique, philosophique, psychologique, etc.] n’est le sujet du poème de la pensée, qui n’est pas non plus l’auteur, ni l’individu. Mais le travail même de subjectivation du langage qui fait que c’est le continu qui mène, qui traverse et transforme tout le discours. Qui fait l’œuvre.

Au sens très banal où c’est la pensée qui fait le penseur, et pas l’inverse. La pensée au sens de l’invention d’une pensée. Pas au sens du commentaire ou de l’explication. Qui sont généralement du maintien de l’ordre. La pensée au sens où c’est le poème qui fait le poète, pas le poète qui fait un poème. Au sens où c’est l’œuvre qui fait la langue, et pas la langue qui fait l’œuvre : et, encore une fois, la Bible qui fait l’hébreu, pas l’hébreu qui fait la Bible. [40]

Le continu de la pensée tient donc à l’énergie individuelle telle qu’elle surgit dans le langage, inachevable et demeurant active quand le singulier fait l’universel. Au cours de l’entretien de 2008, Henri Meschonnic me faisait remarquer la valeur du pluriel en hébreu :

Et ce que toute la tradition traduisait par compassion ou miséricorde, c’est, dans l’hébreu biblique, la pluriel du mot qui signifie matrice, utérus, c’est-à-dire l’organe dans lequel se développe l’être vivant. Re’hem désigne la matrice ; ra’hamim, les matrices, ce qui a été traduit par compassion.

Or, si on y réfléchit, dans la mesure où ce mot désigne cet organe qu’est l’utérus, pourquoi, en tant que mot abstrait, devrait-il désigner la compassion ? Il s’agit du sentiment qu’une mère éprouve pour ce qui est sorti de son ventre. Et là, on touche à un aspect comique : André Chouraqui, qui voulait tant faire fort en traduisant l’hébreu biblique, mais se trompait sur le sens du langage, traduit ce verset des Psaumes où apparaît ce mot comme ceci : « Ne boucle pas tes matrices. » Je traduis : « Ne me refuse pas les tendresses de ton ventre. » A l’inverse, le mot hébreu pour le visage est panim, qui est un pluriel. Le singulier, pan, désigne l’aspect. Cette sorte de pluriel demanderait une étude que je ne fais qu’esquisser. [41]

Et il poursuivait en distinguant le nominalisme du réalisme :

Pour les nominalistes, les mots ne sont que des noms qu’on met sur les choses. On ne peut pas dire que Dieu n’est qu’un nom. L’humanité, elle, existe du point de vue réaliste et les individus n’en sont que des fragments. Pour les nominalistes, au contraire, les individus existent d’abord et l’humanité en est l’ensemble. Nous avons donc, du point de vue logique, deux approches, et ce sont les conséquences éthiques et politiques, poétiques et artistiques, qui nous importent, car la différence est grande selon qu’on l’on considère avant tout les individus ou l’ensemble. Avec les individus, on peut fonder une éthique, car on se place du point de vue du sujet, sujet de (la pensée) ou sujet à (la maladie, par exemple). [42]

Le nominalisme, qui s’attache entre autres à deux philosophes, Pierre Abélard (1079-1142) et Guillaume d’Ockam (1290 environ - 1349), oppose la chose signifiée (res) au mot qui la signifie (vox), conçu tout d’abord « dans sa réalité physique d’ébranlement de l’air par un mouvement de la langue » [43], c’est-à-dire dans le discours, pris comme expression physique. Ce n’est pas la parole qui parle (Heidegger, voir plus haut), mais l’individu, dont la force surgit dans le discours. Or, si l’individu est un centre (comme l’avait énoncé Kierkegaard en s’opposant, lui aussi, à Hegel), la traduction procède du « décentrement » [44], ce qui implique une sorte de translation d’énergie, « de je en je » [45], de passage de relais qui est, pour reprendre les termes d’Henri Meschonnic, « historicisation » du texte. Nous allons voir que celle-ci tient de l’inaccompli. Le poète fait naître à nouveau le chant dans l’instant ; il commence ce qui recommence. Traduction biblique et poème sont indissociables dans l’œuvre d’Henri Meschonnic. Le poème, lui aussi, passe « de je en je ».

Oralité, dynamique, inaccompli

Plaçant le texte du côté du discours, c’est-à-dire du côté du sujet et du sens, Henri Meschonnic, lorsqu’il traduit la Bible, veut la faire surgir comme telle, en son oralité. Il débute ainsi Les paroles, sa traduction inachevée (les trois premières parties) du Deutéronome, cinquième livre du Pentateuque, qui tient, selon André Paul, [46] du discours d’adieu, dans lequel Moïse donne ses dernières recommandations ; le livre contient le Décalogue (5, 6-18), le Shéma Israël (6, 4-5), ainsi qu’un passage très important pour ce qui est de la pensée juive : « ... j’ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et la calamité ; choisis la vie ! et tu vivras alors, toi et ta postérité. » (30, 19 ; traduction du Rabbinat).

Ce sont les paroles que Moïse a parlées vers tout Israël de l’autre côté du Jourdain (I, 1) [47]

Tout d’abord, le traducteur arrache le texte à son hellénisation, qui a pour origine la Bible des Septante, au moment où, au troisième siècle avant Jésus-Christ, les Juifs d’Alexandrie traduisirent la Bible dans la langue qu’ils utilisaient. Sous le titre « Les traductions de la Bible, variations sur une pensée unique », au Chapitre 13 de Un coup de Bible dans la philosophie, Henri Meschonnic envisage l’histoire des traductions bibliques comme « celle des effacements et de l’effacement des effacements. Qui n’est pas écrite. Donc à la fois une histoire et une non-histoire. A écrire » [48]. Il conclut ce chapitre en une volonté de dépassement d’une « éthique du compromis » qui a « effacé la poétique du rythme du texte » : « L’utopie ne consiste pas à se faire des illusions. Elle est d’abord un mouvement pour quitter ce qu’on ne supporte plus. Penser c’est plaquer l’oreille pour entendre ce que le bruit du signe ensilence. » [49] Rappelons que le signe fige le passé sur lui-même, tandis que le sémantique, mode du discours, tourne son énergie vers l’avenir, sans rupture cependant avec le passé. « Deutéronome », ou « seconde loi » (deutéros nomos), devient donc, comme l’indique le premier verset : « paroles », devarim, pluriel de davar, qui signifie « parole, mot, récit ». Abraham Heschel nous dit que l’hébreu biblique n’ayant pas d’équivalent au mots « chose » et « objet », davar, plus tard, traduira « chose », et il insiste sur la polysémie du terme : « parole, mot, message, nouvelle, demande, promesse, décision, récit, dicton, affaire, occupation, actions, bonnes actions, événement, façon, manière, raison, cause » [50]. Le lien entre « parole » et « acte » me paraît important puisqu’Henri Meschonnic parle du langage comme activité. D’ailleurs, à propos du verset 18, il écrit en note : « ‘toutes les choses : que vous ferez’, kol-hadevarim / acher ta’assoun, davar, c’est la parole, mais c’est aussi ce dont on parle, l’événement, ou la chose à faire. Ici, cela n’aurait pas de sens de dire : ‘les paroles / que vous ferez’. » Voici la traduction du verset :

Et je vous ai ordonné en ce temps
Toutes les choses que vous ferez

Claude Vigée, dans un entretien de mai 2006, attirait mon attention sur le lien de davar avec ses dérivés : « Ce mot, en écho, appelle d’autres mots hébreux : midbar, le lieu où s’engendre la parole, le désert ; dvir, le Saint des Saints vacant du temple de Jérusalem ; et leur envers meurtrier, déver, la peste, le fléau. » [51]

Seconde remarque : se référant à un essai d’Emile Benveniste sur les temps du français, Henri Meschonnic, en son souci de rendre la Bible, ‒ cette « lecture », ou mikra, qui « implique diction, scansion. C’est une activité, non un objet » [52] ‒ à son oralité, utilise le passé composé : « que Moïse a parlées » au lieu du passé simple qu’on trouve, par exemple, dans la traduction du Rabbinat (« que Moïse adressa »). « C’est l’enjeu même de la rejudaïsation du texte biblique, vivant dans sa continuité de signifiant et d’énonciation, que je manifeste en traduisant, dans Jona, l’accompli par le passé composé. Discours d’une personne, non plus le récit d’une non-personne. » [53] L’essai de Benveniste s’intitule « Les relations de temps dans le verbe français » (1959) : « Personne ne parle ici ; les événements semblent se raconter eux-mêmes. Le temps fondamental est l’aoriste, qui est le temps de l’événement hors de la personne du narrateur. » [54] Pour le linguiste, le « parfait appartient au système linguistique du discours » [55], mais Benveniste ne pose pas de jugement de valeur, et énonce même en note une remarque sur la traduction, puisqu’elle doit être prise en compte dans l’analyse des temps, notant le recours du traducteur à l’aoriste, car aucune autre « relation temporelle » n’est possible. Ce ne serait pas raisonnable en effet de se priver d’une distinction que nous offre l’écrit, le passé simple marquant tout particulièrement la succession narrative.

Enfin, si l’on considère les notes du Chapitre 1, le traducteur, à propos du verset 4, nous indique comment il traduit l’accent disjonctif : « Les espacements après ‘le’ et ‘et le’ rendent l’accent disjonctif qui porte sur le présentatif, et.  » La traduction est la suivante :

Après qu’il a frappé le Sihon le roi Amoréen qui demeure dans Hechbon
Et le Og le roi de Bachan qui demeure dans Actarot les Rochers dans Edreï

Les accents conjonctifs et disjonctifs, ou « accents rythmiques de la cantilation, qui ont une valeur de regroupement et de dégroupement » [56], transcendent le découpage des genres entre poème et prose : « ... l’anthropologie biblique a montré que la Bible ne connaît pas la notion de poésie ni de métrique, et ne dispose que de l’opposition entre le parlé et le chanté » [57]. De surcroît, l’hébreu marque le continu du corps au langage : « Et comme l’accent rythmique se nomme ta’am en hébreu, ‘le goût’ de ce qu’on a dans la bouche, une métaphore buccale, corporelle, qui dit la physique du langage, alors je dis que la visée poétique, éthique et politique est de taamiser le français, de le rythmiser. Taamiser toutes les langues. Et la pensée du langage. » [58] Henri Meschonnic se refuse à se montrer sourd au « rythme ‒ cette organisation en continu, cette physique du langage qui fait sa force » : « Je ne fais qu’écouter cette force. » [59] C’est exactement ce que fait le Je du poème :

Et j’arrive tellement après
mes mots que je ne peux plus
que me taire
alors mes mots
parlent tout seuls
je m’écoute
c’est toi mon temps
que j’entends [60]

Plus loin, il note, pour le verset 14 : « Je traduis ainsi : ‘à moi’, pour rendre l’accent disjonctif sur vata’anou, ‘et vous avez répondu’ qui dissocie oti, ce que ‘vous m’avez répondu’ ne rendrait pas. » Voici la traduction du verset 14 :

Et vous avez répondu à moi
Et vous avez dit elle est bonne la parole que tu as parlée à faire

Henri Meschonnic, plutôt que « l’équivalence formelle », privilégie « l’équivalence dynamique » [61]. Et cette dynamique s’apparente à celle de Blake : « Sans Contraires n’existe nulle progression » [62], écrit le poète anglais dans le Mariage du ciel et de l’Enfer. Le texte, pour Henri Meschonnic, est le lieu d’une tension : « Elaborer un langage moniste et non dualiste, contre deux mille ans de pensée dualiste et spiritualiste, semble la tâche de cette poétique. La pratique de l’écriture, quelle qu’en soit l’idéologie, est matérialiste. C’est avec le monde que s’installe une dialectique : de l’écrit et du monde ; cela n’établit aucun dualisme dans l’écrit même. Le monisme de l’écrit est le lieu des tensions, du texte comme conflit. » [63] Dans Puisque je suis ce buisson (2001), il écrit : « et je marche mon silence / il me mène à ce qui m’ouvre » [64]. Et il affirme, dans Un coup de Bible dans la philosophie : « Le rythme dans le discours n’est plus le rythme platonicien de la langue, mais le rythme héraclitéen des mouvements du sujet dans le langage. » [65] Il se réfère ici à l’essai d’Emile Benveniste, « La notion de ‘rythme’ dans son expression linguistique » (1951), dans lequel le linguiste distingue entre notion de rythme chez Platon, comme « disposition proportionnée » [66], et « arrangement caractéristique des parties dans un tout » [67] chez Héraclite et Démocrite : « On peut alors comprendre que ῥυθμός, signifiant littéralement ‘manière particulière de fluer’ ait été le terme le plus propre à décrire des ‘dispositions’ ou des ‘configurations’ sans fixité ni nécessité naturelle et résultant d’un arrangement toujours à changer. » [68]

Cette notion de rythme comprend donc sa part dynamique, qui se déduit de son caractère inaccompli. On trouve cette perspective dans la Bible, dans l’Exode exactement, qu’Henri Meschonnic traduit sous le titre : Les Noms. Au verset 3, 14, Dieu répond à Moïse qui l’interroge sur son nom :

Et Dieu a dit vers Moïse je serai que je serai
Et il a dit ainsi tu diras aux fils d’Israël
je serai m’a envoyé vers vous [69]

Le traducteur commente en note : « Le nom de Dieu n’est pas un nom, sur lequel, comme dans le polythéisme, par la magie, on aurait un pouvoir. C’est un verbe. C’est lui qui a le pouvoir. Et c’est une promesse. L’inaccompli ne cesse de s’inaccomplir. » [70] L’inaccompli est le mouvement dynamique du devenir : « ... c’est le divin qui est le créateur de l’infini de l’histoire et de l’infini du sens : paradoxalement, leur historicisation radicale. » [71] Dieu, en tant qu’inaccompli, est un peut-être, une projection de la puissance, ou de la force créatrice, dans l’avenir, non un fondement essentialisé ; il n’est pas une éternité immuable, comme le décrivait Thomas d’Aquin dans la Somme contre les Gentils : « ... Dieu est absolument immuable. Il est donc éternel, sans commencement ni fin. » [72] Il est activité sans cesse renouvelée : « Parce que le contexte indique s’il s’agit d’une durée permanente, et le présent convient, ou bien d’une projection dans le futur, et le futur est alors l’équivalent pour rendre l’idée d’un résultat qui n’est pas encore là, qui se projette vers l’avenir, et qui est l’idée de l’inaccompli. » [73] Tout est donc parfaitement cohérent : nous quittons le passé du signe pour nous orienter vers l’inconnu du sujet agissant dans le discours. « Mais c’est parce que l’individu est ce passage, qui n’est pas seulement passage du cosmique, du biologique à travers lui, mais passage d’une histoire, qu’il peut agir sur cette histoire. Le poème, le rythme, activité des sens, sont des éléments de transformation. » [74]

peu de mots
nous font
défont
et ce qu’ils font pas un mot
ne pourra le dire te dire [75]

Nous avons quitté le monde tragique de Hegel (et de Platon) dans lequel l’individu ne peut rien contre la nécessité. Cette conception de l’histoire et du discours, libératrice, nous met également devant nos responsabilités, bien entendu. Je voudrais insister ici sur le fait que Claude Vigée dit la même chose, sous une autre forme, dans La lune d’hiver (1970), à propos du sacrifice d’Abraham, nommant « circoncision de Dieu » le sacrifice du bélier. « Dieu est enfin circoncis, sa puissance engendrante est découverte dans le feu de sa nature première ; sa force séminale est mise en lumière, universellement manifestée aux yeux humains. » [76] La circoncision prend sa dimension pleine d’alliance, transcendant le sacrifice : « Dieu est désormais circoncis, – ouvert par incision, et parlant pour l’homme. Circoncire YHWH signifie l’amener à la parole fécondante, le faire émerger dans le langage viril de la coupure du vocable. » Il s’ensuit que : « Tant que Dieu n’est pas circoncis et virilisé, Isaac risque de lui être sacrifié pour de bon. » L’instant présent de l’individu s’inscrit alors, en pleine signification, dans l’histoire humaine : « C’est à proprement parler la manifestation de soi, hitgalouth, l’auto-surgissement de Dieu dans la dimension de l’histoire humaine. »

Quittant la fixité du signe, et du dogme, nous saisissons « l’inachevable du sens » [77], le possible de la vie, dès lors. « La métrique est en elle-même la prédiction absolue. Le rythme est imprévisible. Il est le nouveau dans l’écrit. Il est, en ce sens, la représentation même de l’historique dans le langage. » [78] Dans cette perspective, le sujet devient à lui-même un « peut-être », », un perpétuel inaccompli, une virtualité historique qui prend corps dans le discours. Si le rythme est « un ‘flux’, c’est aussi la structuration en système de ce qui n’est pas encore système, ne se connaît pas soi-même comme système, étant ouvert, l’inachevé en cours. Le rythme, comme le désir, n’est pas connu du sujet de l’écriture. Ce sujet n’en est pas le maître. C’est pourquoi le rythme dépasse la mesure. » [79] Nous écartons tout dualisme et échappons à cette terrible violence de la parole « parlante » selon Heidegger, qui affirme, dans Acheminement de la parole : « Ce poème est de Georg Trakl. Qu’il en soit l’auteur n’a pas d’importance ; aussi bien ici que partout où un poème est superbement réussi. La grande réussite supporte même que puissent être reniés personne et nom du poète. » [80] Le poème, au lieu de renaître par la lecture, dans cette relation entre Je et Tu, perd dans son nouveau statut d’objet esthétique la force du dire. Parlante, la parole se fait orpheline de la bouche qui en a d’abord éprouvé, au plus intime, le goût. Comme le dit Henri Meschonnic dans un de ses poèmes :

il faut des lèvres pour faire
un livre
un livre sans lèvres
rien [81]

On sait qu’on ne doit pas lire le texte biblique sans remuer les lèvres, sans un murmure. La lecture aussi est activité. « Le rythme d’un texte fait du temps de ce texte une forme-sens qui devient la forme-sens du temps pour le lecteur. » [82] On échappe par là à la transcendance destructrice du temps chronologique, ou « représenté », selon les termes de Giorgio Agamben, pour éprouver le « temps opératif » [83], ou le temps que met l’œuvre à s’accomplir. Le philosophe, suivant en cela Walter Benjamin, assimile cette temporalité dynamique au temps messianique : « C’est pour cela que, pour reprendre les mots de Benjamin, chaque instant peut être la ‘petite porte par laquelle entre le messie’. Le messie fait toujours déjà son temps ‒ c’est-à-dire qu’il fait sien le temps en même temps qu’il l’accomplit. » [84] Henri Meschonnic, commentant les trois mots d’Exode, 3, 14, ehié / acher ehié (« je serai / que je serai »), écrit : « A partir de ces trois mots, il ne peut y avoir de fin de l’histoire, et donc tout messie est un faux messie. » [85] L’extase du sujet au sein de la durée ne consiste pas en un perpétuel ajournement du possible ; son énergie le pousse à créer et recréer son utopie dans l’instant de la parole.

Vivre le rythme

Vivre le rythme implique donc d’assumer ses propres choix au moment où l’on énonce, où l’on traduit, et de se situer dans l’ouvert. Le poème tient de l’expérience vitale, physique. « je me refais / je me défais / je me recommence / je me réchauffe / j’y comprends / ce que ma chaleur comprend / c’est suffisant » [86]. Et de même : « La poétique de la traduction, comme pratique théorique, est une poétique expérimentale. » [87] Le poème, surgi ou traduit, tient de l’énergie du sujet, qui se situe dans le devenir. On dépasse les notions décourageantes, voire inhibitrices, d’indicible, d’inexprimable ou d’intraduisible, ‒ ces affirmations s’étant figées dans ce domaine en poncifs ‒, ainsi que de transparence, par lequel le traducteur, en tant que personne, est sommé de disparaître, tout comme le poète, si nous nous fions à Heidegger. « Si la traduction d’un texte est structurée-reçue comme un texte, elle fonctionne texte, elle est l’écriture d’une lecture-écriture, aventure historique d’un sujet. Elle n’est pas transparence par rapport à l’original. » [88] C’est pour cette raison que lors de notre entretien d’avril 2008, Henri Meschonnic me disait : « Ma propre aventure dans le langage n’est pas marquée par mon travail de traduction biblique. C’est le contraire : ma manière d’écrire mes poèmes a une incidence sur ma façon de traduire. Je traduis comme le poète que je suis. » [89] L’utopie consiste à ne pas demeurer en exil de soi-même, fût-ce au nom de la vérité du concept ou de la beauté de l’objet esthétique. C’est l’énergie de vivre qui compte, non l’inertie de produits qui, désinvestis de cette vigueur subjective, s’égarent dans une fragmentation dépouillée de son sens.

S’il s’agit d’une tension, si le « texte est conflit » (voir supra), il fait advenir l’effort du singulier pour surgir à lui-même en sa temporalité propre. Dans son essai sur Humboldt intitulé « Humboldt, plus d’avenir que de passé », Henri Meschonnic rompt avec la continuité du temps linéaire pour envisager les interactions des différents temps de l’esprit : « Un futur du présent ? Mais si dans le même temps présent, il y a trois présents (un passé du présent, un présent du présent, un futur du présent), il y a certainement des rencontres qui se font, entre certains contemporains, et d’autres qui ne peuvent se faire. » [90]

Dans sa note à la traduction de Genèse 32, qui concerne la lutte de Jacob avec l’ange, Henri Meschonnic remarque : « L’événement est exceptionnel et le verbe est un hapax. » Nous saisissons donc le caractère singulier de cette étreinte qui tient de la lutte et du « combat amoureux » [91].

Et Yaaqov est resté seul
Et un homme a lutté enlacé avec lui jusque
au monter de l’aube (Genèse, 32, 25) [92]

La lutte au matin s’ouvre sur le futur puisque Jacob en acquiert, avec sa nouvelle claudication, un nouveau nom : « Car tu as combattu avec Dieu » (32, 29). Le singulier étreint la négativité, embrasse le devenir : il peut, et, en ce possible, nous respirons librement. Notons aussi qu’Henri Meschonnic bat en brèche un autre poncif, la qualité exclusivement masculine du langage, car, considérant que rehem désigne l’utérus ; son pluriel, rahamim, la compassion et que « Dieu est rahum », Dieu « est maternel. Il a un rapport utérin à ceux qui sont sortis de lui, et qui ont ce lien nécessaire avec lui. Le langage porte une féminité essentielle de Dieu. D’où le rapport à Dieu est hystérique. Il passe par le ventre, qui est la vie » [93]. La parole met au monde.
Afin de bien mettre en relief l’unité de cette pensée, je terminerai en citant, en hommage à son auteur, un poème significatif dans ce contexte de réciprocité d’activité. Puisque je suis ce buisson, recueil de poèmes, a paru chez Arfuyen en 2001 ; la traduction de l’Exode, Les Noms, chez Desclée de Brouwer en 2003. On notera l’importance de la typographie dans le rendu du rythme. Henri Meschonnic disait d’ailleurs, dans Jona et le signifiant errant : « La typographie est déjà une traduction. » [94]

des lieux sont plus pleins d’attente
que d’autres
des têtes
plus pleines
d’un feu
du temps que d’autres c’est une
histoire qui marche en dormant
j’ai reçu un talisman
de l’autre bout de l’attente
je dors le temps
depuis que je brûle sans
me consumer
puisque je suis ce buisson [95]

Le singulier est attente également, origine et recommencement, et dans le poème bouche et oreille se confondent. « Système du je » [96] et rythme sont une seule et même chose : « Il n’a pas lieu dans la langue : la langue a lieu en lui. » : « Le rythme, le je, c’est du même fonctionnement qu’il s’agit, pour que la littérature soit [...]. »

mes mots sont mon
visage mes yeux ma bouche tout
ce qui m’entend et les autres
l’entendent
alors ce qui change
compte si peu qui sait même
si personne l’a vu si
moi-même j’en ai rien su
maintenant je suis chaque autre
moi et toi lui elle et lui
je suis le recommencement
du monde [97]

Parlerons-nous de « rythme bondissant » comme le faisait Hopkins pour désigner son approche au plus près du discours, en délaissant une prosodie qui fasse entrer le poème dans une routine esthétique ? Je suis tentée de le faire, en ajoutant que l’œuvre poétique d’Henri Meschonnic est toute vouée à cette transformation, de commencement en commencement, d’un Je lié à son partenaire en « corrélation de subjectivité » [98] : « je nous rencontre / je me viens / par toi vers moi / un peu plus » [99]. On notera l’extrême importance des prépositions, l’usage du présent, parfois relié par le passé composé (« aujourd’hui j’ai rencontré » [100]). Le poète utilise peu l’imparfait (à la différence de Baudelaire) et le plus-que-parfait. Tout advient maintenant, et ce maintenant ébauche un ici : « c’est pourquoi nous commençons / le monde / depuis tout ce temps » [101]. Le sujet, dynamique, ne se résigne pas à la fatalité, ou à la statique – ces deux mots sont ici équivalents – des objets, mais fait affleurer sa propre vie à la plénitude de la conscience par ce que peut le langage, c’est-à-dire l’acte de l’énoncer :

je ne parle pas
mes mots je
les marche [102]

Il ne s’agit pas d’un lyrisme individuel trouvant dans la nature des résonances (à la façon de Wordsworth ou de Lamartine), mais d’une dramatisation de l’épopée de vivre au sein de la communauté des vivants. L’individu jaillit dans le langage, y modelant son utopie, singulière, de l’instant. Il ne parle pas, selon le mode gréco-latin, face à la nature, mais dans l’intersubjectivité sans image de la voix. Cette parole sans représentation était, pour les Anciens, celle d’Hermès, askopon épos, « parole obscure » [103], ou plutôt « sans représentation », si l’on en croit Eschyle, dans les Choéphores. C’est le pathos, mouvement singulier de l’intime, qui dans le rythme se manifeste.

et toutes les vies
que je vois
en chemin forment
des parts de
ce qui marche en moi
en toi

Nous sommes proches de Hopkins, de Blake, voire de Gustave Roud, d’Aragon ou de Vigée, toutes différences évidentes par ailleurs, chaque poète fondant ses valeurs singulières. On pense aux Psaumes : « Ce dialogue fou de l’homme avec lui-même pour ne pas être seul au monde est aussi un dialogue avec son propre langage. Dans sa langue. » [104] Dans la parole s’affirme « le sens d’une puissance, d’une transcendance » [105] qui dépasse la dualité du moi et du monde, du moi et des « espaces infinis » [106] pour intégrer dans le sujet la pleine dimension du devenir – une « poétique du divin » [107].

je ne me trouve que quand je
te cherche [108]

Dirons-nous du divin qu’il est l’efflorescence du singulier dans l’écoute attentive ?

Chalifert, mars 2013 - juin 2015

Notes

[1Cet essai a paru pour la première fois, dans une version abrégée, dans Skené, revue de littérature française et italienne contemporaines, année 2016, n° 6. Dossier sur Henri Meschonnic sous la direction de Marcella Leopizzi.

[2Aristote, Ethique de Nicomaque VI, 4. Edition de J. Voilquin. Paris : Garnier-Flammarion, 1965, p. 157.

[3Gérard Dessons, Henri Meschonnic, Traité du rythme : Des vers et des proses (1998). Paris : Armand Colin, 2005, p. 231.

[4Henri Meschonnic, Au commencement : Traduction de la Genèse, 32, 31. Paris : Desclée de Brouwer, 2002, p. 159.

[5Henri Meschonnic, Et la terre coule. Paris-Orbey : Arfuyen, 2006, p. 31.

[6Emile Benveniste, « Sémiologie de la langue » (1969), Problèmes de linguistique générale, 2. Paris : Gallimard Tel, 1998, pp. 64-65.

[7Ibid., p. 64.

[8Emile Benveniste, « De la subjectivité dans le langage » (1958), ibid., p. 259.

[9Ibid., p. 259.

[10Pierre Caussat, « Wilhelm von Humboldt (1767-1835) », dans l’Universalis, 2009.

[11Yvon Belaval, « Bernard Groethuysen (1880-1948) », dans l’Universalis (2009).

[12Henri Meschonnic, Langage, histoire : une même théorie. Lagrasse : Verdier, 2012, p. 544.

[13Ibid., p. 111.

[14Henri Meschonnic, Pour la poétique II. Paris : Gallimard, 1973, pp. 305-309.

[15Ibid., p. 423.

[16Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », in Œuvres complètes II. Edition de Bertrand Marchal. Paris : Gallimard Pléiade, 2003, p. 209.

[17Henri Meschonnic, Pour la poétique II, op. cit., p. 307.

[18Henri Meschonnic, Les Paroles, in Peut-être, n° 5, revue poétique et philosophique. Chalifert : Association des Amis de l’Œuvre de Claude Vigée, 2014, pp. 209-220.

[19Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie. Paris : Bayard, 2004, p. 215.

[20« Se in Deo esse : Le poème et l’esprit, selon Henri Meschonnic », Temporel n° 6, octobre 2008.
http://temporel.fr/Se-in-Deo-esse-Le-poeme-et-l

[21Henri Meschonnic, Avant-propos à : Bernard Groethuysen, Anthropologie philosophique (1928-1931). Paris : Gallimard Tel, 1980, p. 6.

[22Bernard Groethuysen, ibid., p. 7.

[23Henri Meschonnic, Langage, histoire : une même théorie, op. cit., p. 134.

[24Ibid., p. 135.

[25Ibid., p. 137.

[26G.W.F. Hegel, La Raison dans l’histoire (1830). Edition de Kostas Papaioannou. Paris : Union générale d’éditions, 10/18, 1965, p. 120.

[27« Les individus n’empêchent pas qu’arrive ce qui doit arriver. » Ibid., p. 81.

[28Hegel, Esthétique, tome 1. Cours donnés entre 1818 et 1829. Traduction de Charles Bénard. Revue et complétée par Benoît Timmermans et Paolo Zaccaria. Commentaires et notes par Benoît Timmermans et Paolo Zaccaria. Paris : Le Livre de Poche, 1997, p. 454.

[29Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant. Paris : Gallimard, 1981, pp. 80-81.

[30« Se in Deo esse : Le poème et l’esprit, selon Henri Meschonnic », Temporel n° 6, octobre 2008, art. cit.

[31Charles Péguy, Pensées (1934). Paris : Gallimard, 2012, p. 52.

[32Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant, op. cit., p. 286.

[33William Blake, The Marriage of Heaven and Hell, Complete Writings. Edited by Geoffrey Keynes. Oxford : Oxford University Press, 1989, p. 149.

[34William Blake, Jerusalem, ibid., p. 673.

[35Henri Meschonnic, Critique du rythme. Lagrasse : Verdier, 1982, p. 87.

[36Martin Heidegger, Acheminement vers la parole (1959). Paris : Gallimard Tel, 2010, p. 21.

[37Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie. Paris : Bayard, 2004, p. 163.

[38Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 87.

[39Rudolf Kassner, Evocations et paraboles. Traduction de Geneviève Bianquis. Paris : Plon, 1956, p. 10. Voir : Anne Mounic, L’Inerte ou l’exquis : Pensée poétique, pensée du singulier. Paris : Champion, 2015, pp. 58-60.

[40Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie, op. cit., p. 287.

[41« Se in Deo esse : Le poème et l’esprit, selon Henri Meschonnic », Temporel n° 6, octobre 2008, art. cit.

[42Ibid.

[43Voir l’article de Paul Vignaux sur le « Nominalisme » dans l’Encyclopédie Universalis, p. 2.

[44Henri Meschonnic, Pour la poétique II. Epistémologie de l’écriture. Poétique de la traduction, op. cit., p. 308.

[45Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 87.

[46Voir André Paul, « Le Deutéronome », dans l’Universalis.

[47Henri Meschonnic, Les paroles : Traduction du Deutéronome, op. cit., p. 209.

[48Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie, op. cit., p. 117.

[49Ibid., p. 134.

[50Abraham Heschel, Les bâtisseurs du temps. Paris : Minuit, 1957, p. 103.

[51« L’Artiste de la Faim, une esthétique de la négativité » : Entretien avec Claude Vigée. Temporel n° 2, octobre 2006. http://temporel.fr/Claude-Vigee-Entretien

[52Henri Meschonnic, Pour la poétique II, op. cit., pp. 258-259.

[53Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant, op. cit., p. 64.

[54Emile Benveniste, « La relation de temps dans le verbe français » (1959), Problèmes de linguistique générale, 1. Paris : Gallimard Tel, 1997, p. 241.

[55Ibid., p. 244.

[56Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie, op. cit., p. 182.

[57Ibid., p. 158.

[58Ibid., p. 151.

[59Ibid., p. 183.

[60Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson. Orbey : Arfuyen, 2001, p. 58.

[61Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant, op. cit., p. 33.

[62William Blake, The Marriage of Heaven and Hell, Complete Writings, op. cit., p. 149.

[63Henri Meschonnic, Pour la poétique I. Paris : Gallimard, 1970, p. 152.

[64Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 47.

[65Henri Meschonnic, Un coup de Bible dans la philosophie, op. cit., pp. 166-167.

[66Emile Benveniste, « La notion de ‘rythme’ dans son expression linguistique », Problèmes de linguistique générale, 1, op. cit., p. 331.

[67Ibid., p. 330.

[68Ibid., p. 333.

[69Henri Meschonnic, Les Noms : Traduction de l’Exode. Paris : Desclée de Brouwer, 2003, p. 40.

[70Ibid., p. 219.

[71Ibid.

[72Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, I. Présentation et traduction par Cyrille Michon. Paris : Garnier-Flammarion, 1999, p. 177.

[73Henri Meschonnic, Les Noms : Traduction de l’Exode, op. cit., p. 9.

[74Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 97.

[75Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 31.

[76Claude Vigée, La lune d’hiver (1970). Paris : Honoré Champion, 2002, p. 356.

[77Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant, op. cit., p. 84.

[78Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 225.

[79Ibid.

[80Martin Heidegger, Acheminement vers la parole, op. cit., p. 19.

[81Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson. Paris/Orbey : Arfuyen, 2001, p. 64.

[82Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 224.

[83Giorgio Agamben, Le temps qui reste : Un commentaire de l’Epître aux Romains (2000). Paris : Rivages Poche, 2004, p. 125.

[84Ibid., p. 126.

[85Henri Meschonnic, Les Noms : Traduction de l’Exode, op. cit., p. 219.

[86Henri Meschonnic, De monde en monde. Paris-Orbey : Arfuyen, 2009, p. 64.

[87Henri Meschonnic, Pour la poétique II. Epistémologie de l’écriture. Poétique de la traduction, op. cit., p. 306.

[88Ibid., p. 307.

[89« Se in Deo esse : Le poème et l’esprit, selon Henri Meschonnic », Temporel n° 6, octobre 2008, art. cit.

[90Henri Meschonnic, Langage, histoire : une même théorie, op. cit., p. 677.

[91Henri Meschonnic, Au commencement : Traduction de la Genèse. Paris : Desclée de Brouwer, 2002, p. 327.

[92Ibid., p. 159.

[93Henri Meschonnic, Jona et le signifiant errant, op. cit., p. 91.

[94Ibid., p. 47.

[95Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 19.

[96Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 85.

[97Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 9.

[98Emile Benveniste, « Structure des relations de personne dans le verbe » (1946), Problèmes de linguistique générale, 1. Paris : Gallimard Tel, 1997, p. 232.

[99Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 76.

[100Ibid., p. 77.

[101Ibid., p. 54.

[102Ibid., p. 44.

[103Eschyle, Théâtre complet. Edition de E. Chambry. Paris : Garnier-Flammarion, 1964, p. 197.

[104Henri Meschonnic, Gloires : Traduction des Psaumes. Paris : Desclée de Brouwer, 2001, p. 22.

[105Ibid., p. 28.

[106Blaise Pascal, Pensée 206, in Pensées. Edition de Léon Brunschicg. Paris : Le Livre de Poche, 1978, p. 105.

[107Henri Meschonnic, Gloires : Traduction des Psaumes, op. cit., p. 28.

[108Henri Meschonnic, Puisque je suis ce buisson, op. cit., p. 86.


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