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Autour de l’Iliade

26 septembre 2011

par Anne Mounic

Autour de l’Iliade, deux réflexions sur la force :
Rachel Bespaloff et Simone Weil

Musée de Tarquinies. Photographie de Guy Braun. En 1939, Rachel Bespaloff, philosophe née en Bulgarie en 1925 et amie de Léon Chestov, qu’elle rencontra en 1925, commence à écrire un essai sur l’Iliade, qui sera publié à New York en 1943. De son côté, Simone Weil, relisant l’Iliade et en donnant une nouvelle traduction, très respectueuse, dit-elle en note, de l’original, compose, en 1938, un essai intitulé « L’Iliade ou le poème de la force », qui sera publié en deux temps (décembre 1940 et janvier 1941) dans les Cahiers du Sud. Il semble que ce soit le hasard qui ait incité ces deux auteurs à s’inscrire ainsi de si près dans le jeu d’écho et de ressemblance qui caractérise l’esprit du récit. Simone Weil avait repris l’Iliade pour un étudiant, Jean Posternak, dont elle avait fait la connaissance en Suisse [1] ; Rachel Bespaloff aurait relu Homère lorsque sa fille Noémie l’étudiait à l’école [2]. Outre le hasard des situations, on comprend que la période historique ait suscité chez ces deux philosophes une réflexion sur la question de la force. [3]
Simone Weil débute son essai comme suit : « Le vrai héros, le vrai sujet, le centre de l’Iliade, c’est la force. » [4] La force appartient au domaine de la nécessité, avec laquelle elle peut se confondre, nous dit André Lalande, qui la définit ainsi : « Contrainte physique et extérieure, nécessité à laquelle la volonté résiste, mais inutilement. » [5] Dans ses Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, rédigés entre 1973 et 1975, Ian Patočka aborde la question de la force du point de vue de la civilisation technique moderne : « L’homme a cessé d’être un rapport à l’Etre pour devenir une force – force puissante, l’une des plus puissantes. Dans son existence collective surtout, il est devenu une immense station de libération des forces cosmiques emmagasinées depuis des éternités. » [6] A partir des écrits de Jünger et de Teilhard de Chardin sur la Grande Guerre, il envisage la force comme moyen de « surmonter la force  » et de se libérer de l’esclavage de la vie [7]. La référence à Héraclite telle qu’elle s’exprime dans le chapitre intitulé « Les guerres du vingtième siècle » est intéressante en regard de notre propos. C’est un point de vue idéaliste, et donc dualiste, qui s’y exprime, puisque l’Etre, comme lumière, s’oppose, pour Ian Patočka, à la Force, qui marque son « retrait » [8].
« A l’aube de l’histoire, Héraclite d’Ephèse formulait son idée de la guerre comme loi divine dont se nourrissent toutes les lois humaines. Il n’entendait pas la guerre au sens d’une expansion de la ‘vie’, mais comme prééminence de la Nuit, volonté d’affronter librement le péril dans l’aristeia, la preuve d’excellence à l’extrême limite des possibilités humaines que choisissent les meilleurs en se décidant à échanger le prolongement éphémère d’une vie confortable contre une célébrité durable dans la mémoire des mortels. Ce conflit est père des lois de la cité, père de toutes choses : il montre que les uns sont esclaves, les autres libres ; mais il y a encore un sommet au-dessus de la libre vie humaine. La guerre peut faire apparaître que, parmi les hommes libres, certains sont capables de devenir des dieux, de toucher à la divinité, à ce qui constitue l’unité dernière et le mystère de l’être. Ce sont ceux qui comprennent que polemos n’est rien d’unilatéral, qu’il ne divise pas, mais unit, que les ennemis ne sont des touts distincts qu’en apparence, qu’ils sont en réalité inséparables dans l’ébranlement commun du quotidien qui les fait toucher à ce qui est de tout temps, partout, en tout, étant la source dont procède tout étant, qui les fait donc toucher au divin. » [9]
Cette perspective est à rapprocher du passage de l’Odyssée que cite Benjamin Fondane en exergue à L’exode, Super flumina Babylonis : « Les dieux ont ordonné la mort / de ces hommes afin d’être sujets / de chants pour les générations à venir. » [10] Alcinoos s’adresse à Ulysse à la fin du Chant VIII, car il l’a vu très ému du chant de l’aède Démodocos, qui contait les hauts faits de la guerre de Troie : « Dis pourquoi tu pleures et gémis dans le secret de ton cœur quand tu entends chanter les malheurs des Danaens d’Argos, et d’Ilion. C’est l’œuvre des dieux ; ce sont eux qui filèrent la mort pour ces hommes, afin que la postérité y trouvât matière à des chants. » [11] Comme le dit Rachel Bespaloff dans son essai sur l’Iliade : « C’est l’Amor fati, et non le polythéisme, qui a fait obstacle à la foi. » [12] On opposera en effet à cette exaltation de la mort comme apothéose divine, les paroles du Deutéronome (30, 19 – Traduction du Rabbinat) : « … j’ai placé devant toi la vie et la mort, le bonheur et la calamité ; choisis la vie ! et tu vivras alors, toi et ta postérité. » La question est de savoir comment envisager ce que Ian Patočka nomme « l’esclavage du maintien de la vie » [13]. Faut-il opposer l’humain (le travail) et le divin (l’art) [14] ou penser plutôt à la façon d’établir une continuité salvatrice entre tous les domaines d’activité, sur le mode de cette « élévation portante » dont parle Claude Vigée dans son commentaire sur le passage de l’Exode dénommé « Nasso » [15] ?

La force et la chose

Simone Weil affirme : « La force, c’est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. » Au héros, candidat au divin, elle oppose cette vision, beaucoup plus réaliste : « Le héros est une chose traînée derrière un char dans la poussière » [16]. Au lieu de célébrer la force comme libération de l’esclavage que l’acceptation de la vie fait peser sur l’être humain, elle montre bien comment, au contraire, la simple menace qu’elle fait peser sur les individus fonde une société aliénée : « La force qui tue es une forme sommaire, grossière de la force. Combien plus variée en ses procédés, combien plus surprenante en ses effets, est l’autre force, celle qui ne tue pas ; c’est-à-dire celle qui ne tue pas encore. Elle va tuer sûrement, ou elle va tuer peut-être, ou bien elle est seulement suspendue sur l’être qu’à tout instant elle peut tuer ; de toute façon, elle change l’homme en pierre. Du pouvoir de transformer un homme en chose en le faisant mourir procède un autre pouvoir, et bien autrement prodigieux, celui de faire une chose d’un homme qui reste vivant. Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. Etre bien étrange qu’une chose qui a une âme ; étrange état pour l’âme. Qui dira combien il lui faut à tout instant, pour s’y conformer, se tordre et se plier sur elle-même ? Elle n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence. » [17]
A lire ces lignes, on se remémore que Simone Weil, en 1934 et 1935, a travaillé en usine. Elle écrit à ce propos : « Les choses jouent le rôle des hommes, les hommes jouent le rôle des choses ; c’est là la racine du mal. » Sa remarque sur la cadence, en opposition au rythme, touche à la distinction entre le travail et l’art, mais ne les oppose pas selon une nature différente : « La succession de leurs gestes n’est pas désignée, dans le langage de l’usine, par le mot de rythme, mais par celui de cadence, et c’est juste, car cette succession est le contraire d’un rythme. Toutes les suites de mouvement qui participent au beau et s’accomplissent sans dégrader enferment des instants d’arrêts, brefs comme l’éclair, qui constituent le secret du rythme et donnent au spectateur, à travers même l’extrême rapidité, l’impression de la lenteur. […] Au contraire, le spectacle de manœuvres sur machines est presque toujours celui d’une précipitation misérable d’où toute grâce et toute dignité sont absentes. Il est naturel à l’homme et il lui convient de s’arrêter quand il a fait quelque chose, fût-ce l’espace d’un éclair, pour en prendre conscience, comme Dieu dans la Genèse ; cet éclair de pensée, d’immobilité et d’équilibre, c’est ce qu’il faut apprendre à supprimer entièrement dans l’usine, quand on y travaille. » [18] En d’autres termes, l’homme perd son humanité en perdant son pouvoir de conscience réflexive, en cessant d’être un « rapport se rapportant à lui-même », selon le terme de Kierkegaard au début du Traité du désespoir [19]. La cadence donne son tempo à l’activité sans conscience, exécutée sous la menace de la force, donc aliénée, tandis que le rythme manifeste la relation de la liberté à la nécessité, telle qu’elle se manifeste dans le langage incarné. La référence à la Genèse étaie notre propos [20] et suggère que la relation est en fait tripartite, comme le notait Kierkegaard, dans le même ouvrage, en 1848 : « Voici donc la formule qui décrit l’état du moi, quand le désespoir en est entièrement extirpé : en s’orientant vers lui-même, en voulant être lui-même, le moi plonge, à travers sa propre transparence, dans la puissance qui l’a posé. » [21] L’acte libre se double de conscience et résonne au commencement, où se ressource l’être singulier. Il ne se fige pas et, se refusant au définitif, choisit la vie. On voit là poindre, en opposition à la force, une forme de gratuité, qui n’est pas inutilité contre l’utilitaire, ou l’utilitarisme, mais souffle et liberté. Le geste prend sa source dans la puissance singulière ; il n’obéit pas à la contrainte de la force. Le sujet n’est pas objet. Il se révèle.
« Quand, hors de tout combat, un étranger faible et sans armes supplie un guerrier, il n’est pas de ce fait condamné à mort ; mais un instant d’impatience de la part du guerrier suffirait à lui ôter la vie. C’est assez pour que sa chair perde la principale propriété de la chair vivante. » [22] L’opposition de la « chair vivante » à la chose corrobore l’idée que la chair et le singulier participent d’une seule et même réalité – la vie incarnée dans l’instant. La vie ne dispose que de l’instant, d’ailleurs, pour s’incarner. La mort s’attache à l’éternité : « Qu’un être humain soit une chose, il y a là, du point de vue logique, contradiction ; mais quand l’impossible est devenu une réalité, la contradiction devient dans l’âme déchirement. Cette chose aspire à tous moments à être un homme, à être une femme, et à aucun moment n’y parvient. C’est une mort qui s’étire tout au long d’une vie ; une vie que la mort a glacée longtemps avant de l’avoir supprimée. » [23] Qui dit perte du rythme, dit perte du temps humain, ainsi que l’a d’ailleurs montré Eugène Minkowski dans son célèbre ouvrage, Le temps vécu.
Dans le monde objectivé de la force, la relation Je / Cela, selon les termes de Martin Buber, absorbe toute réalité, nous dit Simone Weil, dans l’indifférence de la « matière inerte » : « La force maniée par autrui est impérieuse sur l’âme comme la faim extrême, dès qu’elle consiste en un pouvoir perpétuel de vie et de mort. Et c’est un empire aussi froid, aussi dur que s’il était exercé par la matière inerte. » [24] Comme le dit l’homme du souterrain, de Dostoïevski : « Alors l’impossible serait-il un mur de pierre ? Quel mur de pierre ? Bon, évidemment, les lois de la nature, les déductions des sciences naturelles, les mathématiques. Ça, une fois qu’on t’a prouvé que tu descends du singe, par exemple, inutile de faire la grimace, il faut bien l’avaler. Ça, une fois qu’on t’a démontré, par exemple, que, dans le fond, une parcelle de ta propre graisse doit t’être plus précieuse que cent mille de tes semblables et qu’en définitive c’est à cela, finalement, que se ramène tout ce qu’on nomme vertu, devoir, et autres chimères et préjugés, ça aussi, il faut l’avaler, ça, il n’y a rien à faire, hein, parce que deux fois deux, c’est mathématique. Essayez donc de soutenir le contraire ! » [25]
Comme le dit Ian Patočka, polemos unit plutôt qu’il ne divise : « Les hommes ne sont pas divisés, dans l’Iliade, en vaincus, en esclaves, en suppliants d’un côté, et en vainqueurs, en chefs, de l’autre ; il ne s’y trouve pas un seul homme qu ne soit à quelque moment contraint de plier sous la force. » [26] Toutefois, le principe de la force ne libère pas de la force, si ce n’est par la destruction, car il domine absolument qui s’y soumet et qui en use : « C’est ainsi que ceux à qui la force est prêtée par le sort périssent pour y trop compter. » [27] La force aspire à la totalité. Un détour par la réflexion de Franz Rosenzweig, à propos de la Grande Guerre et de la philosophie idéaliste, dans L’Etoile de la Rédemption – « Seul le singulier peut mourir, et tout ce qui est mortel est solitaire. » [28] – nous permet d’opposer ce type de force (qui s’apparente à la nécessité) au singulier, d’autant plus que ce même philosophe, confronté dans les Balkans à l’empire de la force guerrière, critique ainsi la philosophie idéaliste : « La compensation que la philosophie promettait de donner sous forme d’esprit à celui qui lui vendait son âme n’inspira plus une confiance totale. L’homme, non pas celui qui s’est transporté dans l’intellect, mais l’homme doué d’âme, celui dont l’esprit n’était que le souffle figé de son âme vivante – c’est lui qui, faisant de la philosophie, avait pris le dessus sur la philosophie : elle dut le reconnaître, le reconnaître comme une chose inconcevable pour elle, et pourtant, parce qu’il la dominait, impossible à nier. L’homme, dans la simple unicité de son être propre, de son être établi sur son nom et son prénom, sortait du monde qui se savait comme le monde pensable, il sortait du Tout de la philosophie. » [29]
« Que des hommes aient pour avenir la mort, cela est contre nature », affirme Simone Weil, qui nie que la force puisse délivrer d’elle-même : « Néanmoins l’âme soumise à la guerre crie vers la délivrance ; mais la délivrance même lui apparaît sous une forme tragique, extrême, sous la forme de la destruction. » [30] Se révèle ainsi, semble-t-il, le totalitarisme d’une pensée de la totalité. « Il n’est possible d’aimer et d’être juste que si l’on connaît l’empire de la force et si l’on sait ne pas le respecter. » [31]
En conclusion de cet essai, Simone Weil se livre à des généralisations dans lesquelles nous ne la suivrons pas, car elles nous paraissent à la fois hâtives et non fondées. Elle établit, de l’Iliade à l’Evangile, une sorte de filiation tandis qu’elle associe « Romains et Hébreux » qui se seraient crus « les uns les autres soustraits à la commune misère humaine » [32]. A « l’Ancien Testament » elle oppose à la fois l’Evangile et l’épopée grecque.

La force et le beau

Musée de Tarquinies. Photographie de Guy Braun. L’essai de Rachel Bespaloff se compose de six chapitres : I. Hector. II. Thétis et Achille. III. Hélène. IV. La comédie des dieux. V. De Troie à Moscou. VI. Le repas de Priam et d’Achille, suivis de « Source antique et source biblique ». Dans le premier chapitre, elle dépeint Hector comme « homme, et prince parmi les hommes » [33], montrant que son « aptitude au bonheur » lui fait envisager la mort comme « sacrifice exigé par les dieux de la guerre » ; elle note, à ce propos : « L’homme du ressentiment, dans l’Iliade, ce n’est pas le faible, mais, au contraire, le héros qui a su tout ployer à sa force. » [34] Homme « tout entier » [35], Hector est capable de fuir. « Dieu absent, c’est la fatalité qui devient l’organe de la rétribution. » [36] Destin et châtiment s’associent. « En dehors de toute sanction d’ordre moral, de tout impératif de la source divine, la vengeance de la Némésis antique fait apparaître rétrospectivement comme coupable l’acte qui n’entrait pas dans la catégorie du péché. » [37] La force entraîne donc un mécanisme de meurtres en série, qui n’a rien à voir avec la justice, mais tient de la Nécessité. Ainsi, ajouterai-je, peut-on envisager l’anamnèse d’Œdipe dans Œdipe roi, comme exercice de la Nécessité contre l’individu, dont l’être, dans la fonction de pouvoir, s’est déjà annulé. Rachel Bespaloff souligne le lien entre esthétique et force : « … seule la beauté de la toute-puissance, devenue la toute-puissance de la beauté, obtient de l’homme ce consentement total à son propre écrasement, à son propre anéantissement, cette prosternation absolue qui le livre à la force, dans l’acte d’adoration. Ainsi la force apparaît dans l’Iliade, à la fois comme la suprême réalité et la suprême illusion de l’existence. » [38] Ce lien entre esthétique et force ressort très nettement des écrits de Jünger sur l’expérience guerrière. « C’est le langage sublime de la puissance, plus beau et enivrant à entendre que tout ce qui l’a précédé, un langage qui possède ses propres valeurs et sa profondeur propre. » [39] Jünger en fait, de plus, une esthétique de l’élite. Rachel Bespaloff montre qu’il s’agit d’un défi à la mesure et au raisonnable : « Grisé par une victoire passagère, Hector perd soudain le pouvoir de réflexion, le don de la mesure et le sens de l’obstacle. » [40] Jünger aussi suggère l’intervention du démoniaque alors qu’il décrit chez les soldats le sentiment de « l’inéluctable engloutissement d’une civilisation » [41].
Pour Rachel Bespaloff, le motif central de l’Iliade, consiste dans le « duel d’Achille et d’Hector, la confrontation tragique du héros de la vengeance et du héros de la résistance » [42]. L’immortalité qui s’attache à la personne du héros n’est pas vaine, mais correspond, en termes chrétiens, à la rédemption : « Une certitude d’immortalité, au-delà de l’histoire, dans le suprême détachement de la poésie » [43]. La poésie est « réparation » [44] par rapport à l’histoire. « Le déroulement de l’inévitable a pour théâtre, simultanément, le cœur de l’homme et le Cosmos. A l’éternelle cécité de l’histoire s’oppose la lucidité créatrice du poète désignant aux générations futures des héros plus divins que les dieux, plus hommes que les humains. » [45]

Envisageant la relation d’Achille avec Thétis, sa mère, Rachel Bespaloff montre que sa « présence ramène Achille à de plus justes proportions humaines, l’empêche de se dissoudre dans le mythe ». Garante de l’incarnation de son fils, elle « n’a pas su le rendre invulnérable » : « … voué à l’injustice, Achille ne peut choisir que de l’imposer ou de la subir » [46]. Il est prisonnier de la fatalité, fatalité de son « mécontentement » [47], mais il participe de « l’éclat des triomphes inutiles, des folles entreprises. Sans Achille, l’humanité aurait la paix. Sans Achille, l’humanité se racornirait, s’endormirait glacée d’ennui, avant le refroidissement de la planète. » [48] Nous nous situons là dans le monde de l’esthétique.
Dans le chapitre sur Hélène, « la figure la plus sévère, la plus austère », Rachel Bespaloff fait référence à Tolstoï : « Homère a été aussi implacable envers Hélène que Tolstoï envers Anna. » [49] Anna Karénine, héroïne éponyme du roman que publia en 1878 Tolstoï avant sa crise religieuse de 1880-82, se perd par amour, mais elle n’est ni « sévère », ni « austère », simplement éperdue. Cette réflexion, par contre, me paraît juste : « Quand il accule son héroïne au suicide, Tolstoï, par-delà le christianisme, rejoint Homère et les tragiques. » [50] Rachel Bespaloff met d’ailleurs en relief la valeur tragique du péché originel dans le monde chrétien : « Il n’en reste pas moins que cette notion grecque de culpabilité représente chez Homère et les tragiques l’équivalent exact de la notion chrétienne du péché originel. » Péché et faute tragique se mêlent en effet dans l’épopée chrétienne pour précipiter l’individu dans la chute. « Nietzsche, en proclamant l’innocence du devenir, s’éloigne de l’antique autant que du christianisme. » [51]
Avec Hélène, la beauté prend un caractère sacré, donc ambivalent : le lien entre esthétique et force se réaffirme : « Homère lui prête l’inexorabilité de la force et l’apparence de la fatalité. » Toutefois, la beauté surpasse la force et lui survit : « … la beauté seule consume toutes les contingences jusqu’à celles qui président à son accomplissement. […] L’immortelle Apparence protège et maintient le monde de l’Etre. » [52]
Rachel Bespaloff décèle chez les dieux, dans l’Iliade, des traits comiques et associe le « scepticisme désabusé du Cronide » à « celui de l’Ecclésiaste » [53] en montrant à quel point il s’incline devant la nécessité. Il se distingue ainsi du Dieu biblique. Au chapitre suivant, l’auteur met en parallèle l’Iliade et Guerre et paix, Homère et Tolstoï qui, ni l’un ni l’autre ne se livrent à une « condamnation explicite de la guerre comme telle » [54]. Toutefois, si Homère ne « trahit aucune préférence, aucune partialité pour les siens » [55], Tolstoï prend parti contre Napoléon, qui « ne représente pas seulement l’envahisseur de sa patrie, mais le rival de Dieu ; il incarne le mythe de la grande personnalité qui empêche me retour des existences particulières à l’Etre indestructible » [56]. Rachel Bespaloff fait à ce propos cette remarque fine : « Tout change si le critère du conflit de force n’est plus la force mais l’esprit. » Elle décrit ainsi la guerre, dans la Bible, comme « guerre totale » [57], guerre pour la vérité.
Du repas de Priam et d’Achille, elle dit qu’il est « célébration » de ce qui « dépasse » la vie charnelle et la « sanctifie » : « Ici, encore, la beauté fait luire sur la souffrance la possibilité du salut. » Se trouve affirmée « l’intuition de l’identité du beau et du vrai qui féconde la pensée grecque » [58]. Toutefois, Priam, « l’incarnation de la sagesse homérique », se heurte à la nécessité : « Job regagnera, dans la foi, tous les trésors du réel, mais Priam, tout à l’heure, ne retrouvera que le cadavre d’Hector. » [59] Le contraste entre « source antique » et « source biblique » qui se révèle de manière allusive ici ou là dans les six chapitres, est abordé dans le dernier, non numéroté, qui pourrait apporter une sorte de conclusion. Auparavant, Rachel Bespaloff aura dit de l’Iliade : « Sous la belle unité de la force renaît l’ambiguïté du réel. Partout respectées et mises en lumière, les grandes symétries du devenir n’en révèlent que mieux la présence de l’incommensurable. » [60] Le beau, toutefois, couvre de son illusion le tragique non contesté, la soumission à la nécessité. Dévoué à la collectivité pour laquelle il meurt, le héros ne revendique guère la liberté du singulier.

Entre l’Iliade et la Bible, en dépit de « toute la distance qui sépare l’amour de Dieu et l’Amor fati » [61], Rachel Bespaloff entrevoit cependant une commune mesure, « le même refus d’ériger en technique ou en mystique le rapport au divin » [62], et une résistance comparable, une « passion d’éternité » [63] qui permet d’affronter le désenchantement à l’égard du fossé qui sépare éthique et réalité. Dans les deux cas, en outre, c’est la poésie qui « restitue la vérité de l’expérience éthique sur quoi elles se fondent » [64]. Elle anime le religieux de son souffle en le soustrayant au définitif : « Quand la prodigieuse inspiration de la poésie prophétique se tarit, la religion de la Bible dégénère en un fiévreux messianisme mystique. Quand la philosophie grecque voudra substituer ses réponses à l’interrogation d’Homère et d’Eschyle, l’éthos tragique se transformera en stoïcisme. » [65] Rachel Bespaloff considère la morale comme « trahison » de l’éthique, de même que « l’hédonisme » trahit « la contemplation esthétique » [66]. A la source, la poésie biblique, ainsi que la poésie homérique « condamnent » la « volonté de mainmise ». Nous abordons, en la complétant, l’affirmation citée plus haut : « Aussi bien les dieux n’eussent-ils pas caché Dieu à Homère ou à Eschyle si le Fatum n’occupait sa place. C’est l’Amor fati, et non le polythéisme, qui a fait obstacle à la foi. » [67] Foi et nécessité s’opposent, mais « la croyance au Fatum et la religion du Dieu unique n’entraînent ni l’une ni l’autre cette dépréciation de la réalité sensible, à quoi toute philosophie nous engage sous le couvert du respect de la valeur ». C’est donc bien l’abstraction, péché de l’esprit, qui détourne l’être de son « infinie tendresse pour les choses périssables », et l’enferme dans le piège de la force en sollicitant son assentiment à sa propre destruction : « Il convient donc de distinguer la pensée éthique de la Bible et de l’Iliade de la pensée magique qui la précède et de la pensée dialectique qui la suivra. » [68]
Dans les deux traditions toutefois, la force ne se présente pas sous le même jour, « homogène en son principe, identique au devenir qu’elle détermine, sans origine et sans fin », chez Homère ; impliquant dans la Bible une « hétérogénéité fondamentale » : « D’une part, la finitude de la force, comme volonté de puissance dont l’homme se fait un dieu ; d’autre part, l’infini de la force qui est Dieu lui-même » : « Opposant l’énergie corruptible à l’énergie créatrice, la Bible maintient une dualité qu’elle ne surmonte que dans l’idée de résurrection. » [69] Il s’agit non pas d’une « foi en l’immortalité », mais d’une « volonté de détruire la mort dans le temps ». L’éthique, comme « instant de résurrection », diffère du « détachement esthétique, de l’éternité intemporelle et de la rédemption par la beauté » [70]. Ainsi diffère la conception de la justice, attendue de Dieu chez le prophète, du « meilleur de lui-même » [71] chez le sage.
« Aussi, plus le malheur s’acharne contre leur peuple, plus les prophètes trouvent de force pour refuser à la fatalité le tribut d’adoration que les Grecs lui consentent.
Pour les Grecs, au contraire, l’histoire, lieu des tragédies de la force, des drames de la passion collective, ne connaît ni n’appelle la justice divine. » [72]

Pourtant, aussi différentes ces conceptions puissent-elles être, Rachel Bespaloff les voit se toucher « par les racines » ; toutes deux sont « un fruit de la terre fécondée » [73] . « Ce qui favorise et féconde la vie ne peut faire tort à Dieu ; ce qui favorise et féconde la foi ne peut faire tort à la vie. » [74] A la source donc, au commencement, s’établit une solidarité de vues qui participe du choix de la vie : « Mais il faut remonter plus haut, jusqu’aux grands lyriques de Judée, jusqu’aux Tragiques et à Homère, pour découvrir le fondement commun de la pensée grecque et de la pensée juive. » [75]

Lecture, ressemblance et liberté

Nous ne souhaitons ici évaluer ces deux lectures de l’Iliade à l’aune de l’original, car nous ne ferions qu’ajouter une lecture à ces deux autres. Ce que nous pouvons déduire de ces deux approches, c’est tout d’abord leur approche différente pour ce qui est de la méthode. Simone Weil aborde l’Iliade comme un tout, y décèle une pensée unifiée et en tire des conclusions quant à la nature de la force. Rachel Bespaloff aborde le poème de manière plus dramatique, puisqu’elle part de considérations sur certains personnages, et sur des instants privilégiés. Elle singularise en premier lieu. Sa comparaison entre pensée grecque et pensée biblique se trouve ensuite étayée ; les généralisations de Simone Weil, et son rejet de la Bible au nom de l’Evangile, paraissent plus douteuses. Toutefois, sa lecture de l’Iliade semble se fonder sur l’expérience, qu’elle se sera imposée, de la force à l’œuvre dans l’univers politique et social. Elle lit l’Iliade par le biais du présent tandis que la démarche de Rachel Bespaloff s’avère plus analytique et détachée des contingences.
Nous pouvons dire, me semble-t-il, que la lecture se fonde sur un jeu de résonance. On lit l’œuvre d’autrui comme un possible avant de se l’approprier. Elle s’incarne alors au sein de notre propre expérience et, comme le dit Kierkegaard dans son Post-scriptum aux Miettes philosophiques, « l’intériorité c’est quand les paroles dites appartiennent à celui qui les reçoit comme si c’était son bien propre – et c’est vraiment maintenant son bien ». Toutefois, l’intériorité « ne se laisse pas communiquer directement, car son expression directe est justement de l’extériorité », mais « la ‘répétition’ de l’intériorité est la résonance intérieure par quoi ce qui est dit disparaît ». Kierkegaard décrit ensuite un processus qui rappelle celui du tsimtsoum, ou retrait de Dieu, dans la cabale d’Isaac Louria : « Communiquer de cette manière est le plus beau triomphe de l’intériorité résignée. C’est pourquoi personne n’est si résigné que Dieu ; car il communique en créant, de telle manière que par sa création il donne de l’indépendance vis-à-vis de lui-même. Le maximum de ce que peut un homme en matière de résignation est de reconnaître en chaque homme l’indépendance qui lui est donnée et de faire, suivant ses forces, tout ce qu’il peut pour aider réellement quelqu’un à la conserver. » [76] Par ces mots, le philosophe danois associe intériorité et liberté, mais aussi, puisque l’intériorité est l’expression du singulier, liberté et singulier. La communication s’opère alors sans désir de mainmise, non comme un ordre, mais comme un souffle. Elle échappe à la force, puisque l’auteur ne se veut pas « parangon », mais « sujet d’expérience dont l’existence se sert pour tâter le terrain » [77] ; elle assume son caractère subjectif : « Si c’est le malheur de notre temps d’avoir oublié ce qu’est l’intériorité, on ne devrait pas écrire pour des ‘dévoreurs de paragraphes’, mais présenter dans leur détresse des individualités existantes, dans le désarroi de l’existence, ce qui est autre chose que de dire : de omnibus dubitandum. Ce qu’on présente doit donc, pour avoir quelque signification, ne pas cesser d’avoir un caractère passionné. » [78]
La lecture participe de cette conscience réflexive dont il était question plus haut à propos du rythme, opposé à la cadence, et si l’œuvre veut échapper au statut de chose, son créateur doit accepter une forme de retrait, qui est acceptation du devenir : « Répands ton pain sur la surface des eaux, » dit l’Ecclésiaste, « car à la longue tu le retrouveras. » (11, 1 – Traduction du Rabbinat) Ainsi l’Iliade résonne-t-elle au cœur du vingtième siècle, au moment où se pose de façon écrasante la question de la force, dans l’esprit de deux philosophes qui en donnent des lectures différentes, mais se défient toutes deux de l’abstraction qui exalte la guerre et dont le vrai visage se réduit au simplisme énoncé par Freud dans ses « Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort » (1915) quand il parle de « l’héroïsme instinctif et impulsif, qui […] tout simplement brave les dangers avec l’assurance de Hans le casseur de pierres d’Anzengruber : Y peut rien t’arriver. » [79]
La lecture participe de la ressemblance au sein du devenir, quand le passé, s’exprimant à l’instant présent comme possible, par l’analogie des conditions suscite, en deçà de l’intellect, ou par-delà, une résonance qui ouvre l’intériorité. C’est cette intériorisation que guette Hamlet, sollicitant son ami Horatio comme autre témoin, sur les traits de son oncle Claudius durant la scène (III, 2) où il lui présente la pièce mimant, puis énonçant son crime. L’analogie suscite un rejaillissement du passé intériorisé au moment présent pour que l’avenir puisse être. Au monde de la Nécessité toutefois, le spectateur de la tragédie n’est pas sujet puisqu’il ne peut contester l’issue fatale, mais simplement s’en détourner par le remède de la catharsis. La collectivité s’impose ainsi, terrifiante, à l’individu. La liberté, qui fonde le sujet, implique à la fois esprit critique et empathie, « circoncision de Dieu » comme le disait Claude Vigée dans ce passage crucial de La lune d’hiver [80], c’est-à-dire contestation de la nécessité au nom de la puissance du sujet, de sa force propre. La liberté étreint ainsi la nécessité, comme Jacob lutte avec l’ange. Vouloir anéantir la force en s’anéantissant, c’est accepter le dualisme tragique – cette extériorité absolue de l’événement qui contraint. La voix singulière consiste à contester la force imposée au nom de sa propre force à modifier le cours des choses – qui a pour nom liberté. Le poème qui se soumet à la nécessité tout en la déplorant et celui qui affirme sa liberté sans nier la nécessité ne sont pas tout à fait semblables. Le lecteur n’y réagit pas tout à fait pareil. Il se contracte, ou il surgit.

Notes

[1Simone Weil, Œuvres. Edition établie sous la direction de Florence de Lussy. Paris : Gallimard Quarto, 1999, p. 528.

[2Monique Jutrin, notice. Rachel Bespaloff, De l’Iliade. Paris : Allia, 2004, p. 88.

[3Voir sur cette question Anne Mounic, Monde terrible où naître : La voix singulière face à l’Histoire. Paris : Honoré Champion, 2011.

[4Simone Weil, Œuvres, op. cit., p. 529.

[5André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie (1902-23). Paris : P.U.F. Quadrige, 2002, p. 367.

[6Ian Patočka, Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire. Traduit par Erika Abrams. Préface de Paul Ricœur. Postface de Roman Jakobson. Paris : Verdier, 1999, pp. 183-84.

[7Ibid., pp. 205 et 56.

[8Ibid., p. 185.

[9Ibid., pp. 214-15.

[10Benjamin Fondane, Le mal des fantômes. Liminaire d’Henri Meschonnic. Lagrasse : Verdier, 2006, p. 149.

[11Homère, L’Odyssée. Chant VIII, Traduction de M. Dufour et J. Raison. Paris : Garnier-Flammarion, 1965, p. 125.

[12Rachel Bespaloff, De l’Iliade, op. cit., p. 74.

[13Ian Patočka, Essais hérétiques sur la philosophie de l’histoire, op. cit., p. 55.

[14Ibid., p. 54.

[15Voir « Ainsi se réalise la succession d’amour dans le temps : Entretien avec Claude Vigée ». Peut-être, n° 3, janvier 2012.

[16Simone Weil, Œuvres, op. cit., p. 529.

[17Ibid., p. 530.

[18Simone Weil, « Expérience de la vie d’usine », ibid., p. 201.

[19Sören Kierkegaard, Traité du désespoir (1848). Miettes philosophiques, Le Concept de l’angoisse, Traité du désespoir. Paris Tel Gallimard, 2003, p. 351.

[20Voir « ‘Tout enfant est un révolutionnaire.’ Ressemblance et roman de formation : Panaït Istrati », Temporel n° 12, octobre 2011. http://temporel.fr

[21Sören Kierkegaard, Miettes philosophiques. Le concept de l’angoisse. Traité du désespoir, op. cit.,, p. 352.

[22Simone Weil, Œuvres, op. cit., p. 531.

[23Ibid., pp. 532-533.

[24Ibid., pp. 534-35.

[25Fédor Dostoïevski, Notes d’un souterrain (1864). Traductino et notes de Lily Denis. Paris : Garnier-Flammarion, 1992, pp. 53-54.

[26Simone Weil, Œuvres, op. cit., p. 535.

[27Ibid., p. 537.

[28Franz Rosenzweig, L’Etoile de la Rédemption. Paris : Seuil, 2003, p. 20.

[29Ibid., p. 28.

[30Simone Weil, Œuvres, op. cit., p. 543.

[31Ibid., p. 551.

[32Ibid.

[33Rachel Bespaloff, De l’Iliade, op. cit., p. 7.

[34Ibid., p. 8.

[35Ibid., p. 9.

[36Ibid., p. 11.

[37Ibid., p. 12.

[38Ibid., pp. 12-13.

[39Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure (1922). Paris : Christian Bourgois, 1997, p. 90.

[40Rachel Bespaloff, De l’Iliade, op. cit., p. 13.

[41Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure, op. cit., p. 50.

[42Rachel Bespaloff, De l’Iliade, op. cit., p. 15.

[43Ibid., p. 14.

[44Ibid., p. 16.

[45Ibid., p. 18.

[46Ibid., p. 22.

[47Ibid., p. 23.

[48Ibid., p. 24.

[49Ibid., p. 25.

[50Ibid., p. 26.

[51Ibid., p. 27.

[52Ibid., p. 31.

[53Ibid., p. 39.

[54Ibid., p. 43.

[55Ibid., p. 52.

[56Ibid., p. 53.

[57Ibid., p. 52.

[58Ibid., p. 61.

[59Ibid., p. 62.

[60Ibid., p. 64.

[61Ibid., p. 67.

[62Ibid., p. 66.

[63Ibid., p. 67.

[64Ibid., p. 71.

[65Ibid., p. 72.

[66Ibid., p. 70.

[67Ibid., p. 74.

[68Ibid., p. 75.

[69Ibid., p. 76.

[70Ibid., p. 77.

[71Ibid., p. 78.

[72Ibid., p. 79.

[73Ibid., p. 82.

[74Ibid., p. 83.

[75Ibid., p. 85.

[76Sören Kierkegaard, Post-scriptum aux Miettes philosophiques (1846). Paris : Gallimard Tel, 2001, p. 173.

[77Sören Kierkegaard, Etapes sur le chemin de la vie (1845). Paris : Gallimard Tel, 1979, p. 295.

[78Sören Kierkegaard, Post-scriptum aux Miettes philosophiques, op. cit., p. 176.

[79Sigmund Freud, Essais de psychanalyse. Paris : Payot, 1988, p. 36.

[80Claude Vigée, La lune d’hiver (1970). Paris : Honoré Champion, 2002, p. 356. Voir Anne Mounic, Monde terrible où naître : La voix singulière face à l’Histoire, op. cit., chapitre 5.


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