Anne Mounic, poèmes
26 avril 2014
l’irréparable effroi
« Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »
L’idéalisme acquiesce à la mort,
terreur et labeur de la vie en sa négation, dit-on,
de la sorte transcendés.
Un leurre.
Comment croirai-je à la lumière
au beau milieu du parfum des morts ?
Les coquelicots « qui prennent racine dans les veines de l’homme »
transposent l’irréparable effroi.
Cette chair en laquelle le sang a cessé sa course
se tuméfie, ballonne, bourdonne.
La vie est à elle-même adhérence infinie,
une, indépassable, comble.
l’extrême délicatesse du vivant
Quinze ans, neufs à la vie,
tendres à la mort, encore
privée de sa résonance,
que lentement elle acquiert
dans le labyrinthe curieux
des années de lente maturation.
Le raffinement d’exister, cette initiation ténue
à l’extrême délicatesse du vivant,
rend la mort plus cruelle encore,
mais la mort dans la fleur de la jeunesse
prive la tige singulière de cette ardente douleur
si vivement, patiemment, désirée,
du destin infiniment volubile.
la mort d’un seul
Christ ! ‒ le sacrifice eut lieu.
N’est autre que dire
que la mort d’un seul
irrigue le vie des autres, que la guerre
sans vergogne massacre pour que soit
la paix.
« Et si la guerre est nécessaire »,
énonce l’homme rompu au pouvoir,
qui est fataliste.
Dire que puisse germer
le sacrifice revient à acquiescer à la corruption
du bien par le mal, érigeant en principe
ce qui n’est à l’origine
qu’intempestive ambivalence,
mais généreuse, antiautoritaire,
et sans humiliation,
rien que l’ardente terreur de vivre !
Ces poèmes sont extraits de : Guy Braun, Anatomie d’un geste. Chalifert : Atelier GuyAnne, 2013. Ils illustrent les gravures sur la guerre contenues dans ce numéro.