« Si je n’étais pas au fond un homme extrêmement laborieux, comment aurais-je eu l’idée d’inventer des éloges et des théories sur l’oisiveté ? Les oisifs-nés, ceux qui ont le génie de l’inaction, ne font jamais ce genre de chose. »
Hermann Hesse (1928)
(Exergue à L’art de l’oisiveté)
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« Le silence et l’inaction ! Peu d’hommes arrivent à comprendre leur efficacité. »
Lao-Tzeu (Septième siècle avant J.-C.)
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Cette étude sur la paresse (septième numéro, septième jour - sic), qui figure tout de même, dans la (...)
Tirer au cul, au flanc, ne pas se fouler la rate,
ne pas en ficher un coup, une rame, une secousse, se tenir, rester les bras croisés,
ne pas se faire d’ampoules, ne rien, ne pas se casser,
se tourner les pouces, se les rouler, avoir les pieds nickelés.
- Paresser.
Etymologie de la paresse
Le mot français « paresse », vient de parece, au douzième siècle, de l’ancien français, peresce qui dérivait du latin pigritia, de piger, qui répugne à, paresseux, indolent (dictionnaire Gaffiot). Le (...)
La paresse chez Oblomov : splendeurs et misères de l’unité perdue
Oblomov : ce nom tout en rondeur provoque le plus souvent chez un Russe l’apparition d’un sourire rêveur. Ilia Ilitch Oblomov, héros d’Oblomov, roman paru en 1859 et dû à la plume d’Ivan Gontcharov, écrivain quelque peu éclipsé en France par les grands noms de la littérature russe du XIXe, est un propriétaire terrien noble velléitaire qui préfère son divan à tout autre lieu, et l’un des personnages clé de la culture russe : devenu un type (...)
La « paresse essentielle » de l’œuvre et le secret de Marcel Proust.
(En relisant A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust et La Tentation de Marcel Proust, d’Anne Henry, PUF, « Perspectives critiques », 2000.)
Pour Anne Henry, lectrice de l’essentiel, bien modestement.
« Un homme qui dort, tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes » (...)
La paresse est un désoeuvrement :
le journal intime d’Amiel
Penser le texte varie selon le point de vue qu’on adopte. Penser le travail du texte, et en creux les difficultés à écrire, par exemple la paresse stigmatisée comme un empêchement, est soumis à la même variation historique.
La forme littéraire du journal intime a profondément évolué depuis le XIXe siècle. Henri-Frédéric Amiel, professeur de philosophie et d’esthétique à l’Académie de Genève (1821-1881), diariste important, expérimentait une (...)
« Il faut mesnager la liberté de nostre âme et ne l’hypothéquer qu’aux occasions justes » :
Montaigne et la liberté.
Montaigne consacre un cours traité à l’oisiveté (« De l’oisiveté », Essais, Livre I, chapitre 8), s’insurge « Contre la fainéantise » (Livre II, chapitre 21) et, finalement, en une optique très stoïcienne, s’interroge, principalement en tant qu’ex-maire de Bordeaux, sur l’art « De mesnager sa volonté (Livre III, chapitre 10). Si, dans les deux premiers essais, il condamne paresse et indolence, (...)
« Atlas n’était qu’un homme en proie à un interminable cauchemar ! »
De quelques variations sur le thème de l’oisiveté.
Clément Pansaers | Robert Louis Stevenson | Kazimir Malévitch | Paul Lafargue | Bertrand Russell | Hermann Hesse
Cet article se veut un tour d’horizon, très certainement non exhaustif, de ce qu’on a pu dire pour faire l’éloge de la paresse en opposition à un monde industriel qui, dès le dix-neuvième siècle, a instauré le travail comme dogme fondamental, envahissant toutes les (...)
Le paradis d’un jour éphémère :
Kierkegaard ou la joie inconditionnée contre le souci existentiel
En 1849, Kierkegaard fait paraître « trois pieux discours », Le lis des champs et l’oiseau du ciel, assortis d’une « Prière », qui se termine ainsi : « Puissions-nous cette fois apprendre du lis et de l’oiseau le silence, l’obéissance et la joie ! » (Œuvres, 16, p. 291) Le philosophe danois commente ici Matthieu 6, 24-34 :
« Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il (...)
La paresse chez Baudelaire, ce penchant vers l’infini
La question de la paresse et du travail se pose, chez Baudelaire (1821-1867), comme son œuvre et son être même, sous le signe du paradoxe. C’est ainsi qu’il se définit dans Mon cœur mis à nu (Œuvres complètes, p. 422) :
« Tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l’horreur de la vie et l’extase de la vie.
C’est bien le fait d’un paresseux nerveux. »
Son sens de la beauté (on relève dans cette conception l’influence de (...)
« Un lit de repos trop commode » :
L’Orient chez Eugène Fromentin (1820-1876)
« L’Orient, » écrit Eugène Fromentin dans Une année dans le Sahel, « c’est un lit de repos trop commode, où l’on s’étend, où l’on est bien, où l’on ne s’ennuie jamais, parce qu’on y sommeille, où l’on croit penser, où l’on dort. » (p. 90) Le peintre, durant son séjour à Mustapha d’Alger, mène « cette calme existence sous un ciel plein de caresses, dans un pays qui plaît, ce quelque chose qui ressemble à la vie pour en avoir pris (...)
« La mort paresseuse et lente »
« La mort paresseuse et lente » : on ne peut être que saisi, par la puissance évocatrice, mais aussi la violence, de l’association de ces deux adjectifs, au mot de mort, par José Bergamin, lors du récit de l’agonie de son ami, le torero, Ignacio Sanchez Mejias.(1)
Avant même notre naissance, deux tiers à trois quarts de nos cellules embryonnaires ont déjà disparu… La mort cellulaire lente, commence avant même que nous soyons. Elle va ensuite progresser, tout au long de (...)
La bonne paresse, la paresse de Dieu
Entretien avec Claude Vigée
A.M. : Je voulais, dans le cadre de notre numéro sur la paresse, que nous nous entretenions du shabbat, non pas parce que ce jour serait un jour de paresse et de fainéantise, mais parce que ce repos permet d’accéder à une autre dimension de vie en brisant avec toute forme d’activité ne visant qu’à la survie. Le shabbat, en effet, une fois par semaine, constitue une interruption et un accès à autre chose. Qu’est-ce que l’on interrompt (...)